Etat d'urgence
putsch des generaux

La France, c'est pour Roger Frey. Tiré à quatre épingles, la narine palpitante, le plus élégant des hommes politiques de l'Entourage cache sous son apparente désinvolture une rare obstination. D'une main soignée mais ferme il prend sans tarder les mesures nécessaires pour protéger la capitale et étouffer dans l'oeuf le complot parisien. Le général Faure, le commandant Casati, le préfet et quelques autres sont arrêtés au domicile du commandant Bléhaut. Beaucoup de filet mais petits comploteurs. Godard serait furieux d'apprendre comment son magnifique plan d'investissement de Paris vient d'échouer par la négligence des conjurés. Face à Roger Frey, ils ne font pas le poids.
A 17 heures, le premier conseil des ministres réuni depuis le début de l'insurrection d'Alger, décrète l'état d'urgence à partir du 23 avril à 0 heure. Les chefs de la mutinerie seront déférés à la justice militaire. L'état d'urgence sera complété, le lundi 24, par la mise en oeuvre de l'article 16 de la Constitution qui permet non seulement à la police de garder à vue pendant quinze jours les suspects de subversion avant de les remettre à l'autorité judiciaire mais encore au préfet de les interner par simple décision sans en référer à la justice.
Les éternels sceptiques ne vont pas manquer de critiquer ces mesures — pourtant approuvées par la majorité des partis et des syndicats — en soulignant que le régime est victime de ses origines.

L'état d'urgence est d'autant plus justifié que le plan Godard est une réalité. Le coup de filet de l'avenue Niel en a empêché la réalisation complète mais dans la nuit de vendredi à samedi, des centaines de conjurés armés ont été acheminés de la France entière vers Orléans. Ils se retrouveront samedi soir dix-huit cents dans la forêt d'Orléans et quatre cents dans celle de Rambouillet, en tenue de parachutiste, avec béret rouge, tous dotés d'un armement léger, prêts à se mêler aux trois colonnes du 2° régiment de hussards d'Orléans et du 501e chars de Rambouillet dont la mission est de s'emparer de la préfecture de police, de l'Elysée, du ministère de l'Intérieur, de Matignon et de l'Assemblée nationale.
Ces deux mille deux cents « parachutistes » attendront une partie de la nuit des ordres qui ne viendront pas... et pour cause. Des officiers de la gendarmerie nationale, voyant l'échec de l'initiative locale, et peu désireux d'entamer un combat fratricide, leur diront : Vous n'avez pas d'ordres, vous êtes là comme des imbéciles. Rentrez chez vous. Filez avant qu'il ne soit trop tard...
Cette réunion sera la seule concentration putschiste sur le territoire métropolitain. On n'en parlera jamais. Faute de pouvoir expliquer à la population, qui, dans quelques jours, va apprendre à vivre à l'heure des plastics de l'O.A.S., comment on a laissé filer des hommes dont une grande partie va passer de l'action romantique émotionnelle à l'activisme forcené !

rideau
Accueil
Le putsch
anecdote
accueil